Redynamiser le financement dans la nutrition en Afrique francophone et lusophone : Il est temps d’innover et d’agir
Les pays d’Afrique francophone et lusophone se trouvent à un moment critique. Malgré des engagements politiques forts en faveur de la nutrition, la région est confrontée à un triple fardeau de malnutrition : sous-alimentation persistante, taux croissants de surpoids et d’obésité, et carences généralisées en micronutriments. Ce défi est amplifié dans les États fragiles et touchés par des conflits, où l’instabilité et les chocs climatiques exacerbent les vulnérabilités existantes. Les revues des dépenses consacrées à la nutrition révèlent un constat récurrent : la faible priorité accordée à la nutrition et le faible niveau des dépenses, comme l’indiquent les tendances en matière de financement public et privé de la nutrition dans les communautés économiques régionales en Afrique, présentées dans la note d’information sur le financement de la nutrition.
Un récent atelier régional à La Somone, au Sénégal, organisé par le bureau régional du Mouvement Scale Up Nutrition (SUN) pour l’Afrique francophone et ses partenaires techniques, notamment FCDP/R4D, C4N, NPIN et EU4SUN a réuni des décideurs politiques, la société civile, le secteur privé et des partenaires au développement de 17 pays SUN pour aborder une réflexion collective sur le besoin urgent de financement innovant et durable pour la nutrition. Les discussions ont été franches, les défis clairement définis, et le besoin d’agir est désormais impérieux.

Principaux constats et appels à l’action urgents
- L’appropriation nationale est primordiale : Les participants ont souligné la nécessité de s’éloigner de la dépendance à l’aide extérieure et de privilégier la mobilisation des ressources domestiques. Pour véritablement autonomiser les pays, les décideurs politiques doivent augmenter les allocations budgétaires nationales pour la nutrition, explorer des mesures fiscales innovantes telles que les taxes sur les aliments malsains et favoriser une collaboration plus étroite entre les ministères des Finances/de l’Économie/de la Coopération et les acteurs de la nutrition. Les partenaires techniques et financiers peuvent jouer un rôle catalytique en aidant les pays à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies de financement durables, en mettant l’accent sur le renforcement des capacités nationales et l’appropriation.
- L’intégration est essentielle : La nutrition doit être intégrée aux stratégies de développement plus larges, notamment la résilience climatique, l’aide humanitaire et la consolidation de la paix. Pour y parvenir, les décideurs politiques doivent s’assurer que les stratégies nationales de nutrition sont alignées sur les plans sectoriels de l’éducation, de l’EAH (eau, assainissement et hygiène), du climat et du développement local. Il est également essentiel que les partenaires techniques et financiers privilégient le financement de programmes intégrés qui s’attaquent aux multiples facteurs de malnutrition et favorisent la collaboration intersectorielle – voir le Pacte Mondial pour l’Intégration de la Nutrition.
- Le suivi financier et la redevabilité sont essentiels : Les faiblesses du suivi budgétaire et de la redevabilité compromettent la capacité à prendre des décisions éclairées par les données qui renforcent l’efficacité des investissements dans la nutrition. Pour garantir une utilisation efficace des ressources, les décideurs politiques doivent renforcer les systèmes de suivi budgétaire, améliorer la transparence dans l’allocation des ressources et veiller à ce que les dépenses liées à la nutrition soient rapportées efficacement pour faciliter le suivi de la performance. Les partenaires techniques et financiers peuvent soutenir ces efforts en investissant dans le développement de systèmes de suivi financier robustes et en promouvant la redevabilité centrée sur les résultats.
- Le financement climatique et des systèmes alimentaires offrent un potentiel inexploité : Le potentiel des mécanismes de financement climatique et des systèmes alimentaires pour soutenir l’agriculture sensible à la nutrition, les systèmes alimentaires résilients et les stratégies d’adaptation est largement inexploité, ce qui représente une occasion manquée de solutions de financement innovantes. Pour exploiter pleinement ces opportunités, les décideurs politiques doivent renforcer les capacités d’accès aux fonds climatiques et aux systèmes alimentaires, élaborer des projets banquables intégrant des objectifs nutritionnels et créer des environnements favorables aux investissements du secteur privé dans des systèmes alimentaires durables. Les partenaires techniques et financiers doivent simplifier l’accès à ces ressources financières pour les projets liés à la nutrition, fournir une assistance technique pour aider les pays à répondre aux exigences d’admissibilité et privilégier les investissements qui créent des synergies entre le climat, les systèmes alimentaires et les résultats nutritionnels.
- Une base de données probantes plus solide sur les retombées économiques et sociales est nécessaire : Le Cadre d’investissement mondial pour la nutrition indique que chaque franc investi dans la nutrition génère un rendement de 23 francs. Tout de même, les décideurs politiques ont besoin d’une base de données probantes plus contextualisée démontrant les retombées économiques et sociales importantes pour garantir des investissements accrus et soutenus dans la nutrition. Par conséquent, un effort combiné des décideurs politiques et des partenaires techniques et financiers est nécessaire pour investir dans une recherche rigoureuse qui génère des données probantes solides sur le rapport coût-efficacité et les impacts sociaux et économiques des interventions nutritionnelles multisectorielles. Ces données probantes doivent être communiquées aux décideurs de manière éloquente afin d’éclairer les politiques et les décisions d’investissement.
- L’égalité de genre et l’inclusion des jeunes doivent être au cœur des préoccupations : pour avoir un impact réel, le financement de la nutrition doit donner la priorité à l’égalité du genre et à l’inclusion des jeunes. Les femmes et les jeunes, qui sont touchés de manière disproportionnée par la malnutrition, sont également des moteurs essentiels du changement. Les décideurs politiques devraient investir dans le renforcement de leur leadership et de leur participation tandis que les bailleurs de fonds peuvent soutenir des modèles de financement inclusifs qui intègrent la dimension genre et jeunesse dans la conception des programmes, en particulier dans les contextes fragiles et touchés par des conflits.
Le chemin d’avenir
L’atelier de La Somone a été une étape essentielle pour redynamiser l’agenda de la nutrition en Afrique francophone et lusophone. Il est maintenant temps de traduire les constats et idées générés en actions concrètes. Nous exhortons les décideurs politiques, les partenaires financiers et au développement à :
- Renforcer les efforts de mobilisation des financements domestiques en faveur de la nutrition, en tenant compte des contextes nationaux et de la marge de manœuvre budgétaire. Cela implique que les gouvernements allouent des fonds supplémentaires aux dépenses spécifiques et sensibles à la nutrition, consolident leurs efforts d’intégration de la nutrition dans leurs plans et budgets, et rehaussent le niveau et la modélisation des instruments fiscaux tels que les taxes sur les boissons sucrées.
- Adopter des mécanismes de financement innovants et bâtir des systèmes durables pour la nutrition. Cela implique de chercher activement à débloquer différents types de financement, et plus spécifiquement les mécanismes de financement climatique et catalytique pour la nutrition tels que le Fonds vert pour le climat (FVC), le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), le Mécanisme de financement mondial (GFF), la Banque africaine de développement (BAD), le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP) et le Fonds pour la nutrition infantile (CNF).
- Renforcer la collaboration et la coordination entre les secteurs et avec les partenaires de développement.
- Soutenir la redevabilité de l’ensemble des acteurs pour des résultats accrus et suivre les progrès accomplis vers la réalisation des objectifs de nutrition.
Votre contribution est essentielle pour que toutes les populations d’Afrique francophone et lusophone aient la possibilité d’atteindre leur plein potentiel grâce à une bonne nutrition. Vos commentaires, idées, recommandations sont les bienvenus.
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FCDP est une ressource du Mouvement SUN accessible aux 66 pays SUN. Cette plateforme vise à transformer le paysage du financement de la nutrition en inspirant et en incitant les dirigeants gouvernementaux à faire du financement de la nutrition une priorité et à accélérer l’impact dans tous les secteurs.
